« Un Étranger parmi tous les étrangers »

 

Dans cet usage de la citation, le contexte modifie la portée du document qui prend un sens nouveau, en s’intégrant au réseau thématique de l’œuvre. Les faits divers, en particulier, deviennent ainsi de véritables fables modernes. Ils sortent de la logique du signe, qui est celle des journaux pour entrer dans celle des symboles. C’est le cas, par exemple, de l’histoire de François Dramb, que l’écrivain cueille telle quelle dans L’Action française. Ce mendiant, que cette feuille peint au tribunal (3 mai 1914) alors qu’il va être jugé et condamné pour vagabondage comme « un délinquant » se métamorphose aussitôt devenu un personnage du Journal en une figure du Saint-Esprit, lequel, dans l’eschatologie bloyenne, est souvent représenté comme un Vagabond, « un Étranger parmi tous les étrangers », un Inconnu solitaire qui n’attend personne et que personne n’attend. Dès lors, le mot de Cambronne qu’il lance au président du tribunal, « Mon Président, par respect pour la société, je vous dis M… », lequel est aussi médusé que « les soldats de Wellington », sonne tout autrement qu’une simple facétie carnavalesque : pour peu qu’on se souvienne de l’exégèse de ce « Mot fatidique » proposée dans Sueur de sang, on peut y entendre, horriblement travestie, une promesse de rédemption.

Pierre Glaudes : Léon Bloy, la littérature et la Bible

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