Ill. : Les Sept péchés par Otto Dix. Source : Léon Bloy, la littérature et la Bible par Pierre Glaudes, éditions Les Belles Lettres, collection Essais, relecture en cours.
Bloy est persuadé que, dans l’univers de la Chute, où
« rien n’est à sa place », Dieu se manifeste en général sous un jour
énigmatique et peut prendre l’aspect le plus surprenant : dans ce monde à
l’envers, il est fréquent qu’il apparaisse sous un « travestissement
inimaginable. » Soucieux de ramener
l’histoire à un « sens unique, indéfiniment réfracté » dans
l’univers, l’écrivain s’efforce de tout intégrer à cet ordre surnaturel, même les
faits les moins susceptibles, en apparence, d’y prendre place. Il excelle dans
l’art de mettre en relation des personnes, des paroles, des objets ou des
événements dont rien ne laisse présager a priori qu’ils puissent avoir un
rapport symbolique. Bref, il creuse l’écart maximum entre les éléments
constitutifs de la figure, ne craignant point de provoquer la surprise et même
le scandale.
Rien n’est étranger à l’Ordre divin, pas même le Péché. C’est pourquoi, dans cette intertextualité généralisée qu’est le symbolisme bloyen, il ne faut pas craindre de s’aventurer du côté du négatif, quelles qu’en soient les variantes (l’insignifiant, le laid, la maléfique), pour suivre « l’itinéraire complet de la Volonté divine » de l’hypotexte biblique à l’infinie variété de ses transformations hypertextuelles. L’exégèse du meurtre d’Abel est, de ce point de vue, emblématique. Dieu, qui « ne peut parler que de Lui-même » puisque « toutes choses subsistent en lui », est figuré en même temps par « l’innocent Abel » et par le « fratricide Caïn », « lui qui a tout assumé de notre condition dans l’Incarnation, est nécessairement représenté par l’un et par l’autre. » Le meurtrier comme la victime sont des figures du Dieu rédempteur, lequel est « à la fois l’Innocence même et le Péché même. »
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