A mesure que la vieille produisait ses régurgitations, la douille de
plastique commença à se remplir. Partagé entre le dégoût et le chagrin, le
bibliothécaire avait l’impression d’aider l’humanité malade à se soulager d’un
poison qu’il avait lui-même contribué à administrer.
Qu’est-il arrivé à notre peuple ? Mais ceci n’est pas un
peuple : un lumpenprolétariat, des animaux malades de la culture, une
culture qui n’est pas la nôtre, qui n’en mérite même pas le nom… Pourquoi chercher
à aider des gens qui ne se respectent pas quand on ne se respecte pas soi-même…
— Merci, merci, pleurnicha la vieillarde qui semblait avoir perdu
dix centimètres dans l’épreuve et elle tituba vers la sortie, cramponnée à son
sachet sur lequel s’étalait une question qui résonnait comme une menace.
LISEZ-VOUS LE BELGE ?
La porte couina.
Enfin seul, Jérôme se rassit, consterné. Qui croirait à une
histoire pareille — et pourtant, c’était la vérité. Madame Vomi avait même oublié
ses livres sur le chariot des retours.
— Lisez-vous le belge ?, soliloqua Jérôme. Toute leur
propagande se prétend antifasciste, démocratique, humaniste alors qu’elle reproduit
celle de l’occupant, pendant la Seconde Guerre mondiale : séparer la
Wallonie de la culture française en élucubrant une identité belge, qui ne
concerne que...
Frank Brecht : L’Antinomiste
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