Source : Ésotérisme guénonien et mystère chrétien par Jean Borella, éditions de L’Âge d’Homme, collection Delphica.
Considérons l’image du cercle que Guénon prend comme
symbole des rapports de l’ésotérisme à l’exotérisme, dans l’article
« L’écorce et le noyau. » La circonférence du cercle représente la shariyah,
ou « loi extérieure » ; le centre représente la haqîqah.
Ce terme désigne proprement l’essence d’une chose, sa quiddité, ou encore le
contenu sous-jacent à une expression quelconque ou à un symbole, envisagé dans
sa réalité véritable. Dans la question qui nous occupe, il s’agit de la réalité
intrinsèque dont ésotérisme et exotérisme ne sont que des modes d’approche.
Nous avons bine là une conception à trois termes, et il est nécessaire,
croyons-nous, qu’il en soit ainsi. Mais peut-être n’est-ce pas suffisant. Car
on doit s’interroger sur la nature de cette haqîqah.
Si le terme fait référence à « l’unité
principielle » elle-même, laquelle n’est autre que la Vérité-Réalité de
l’Essence divine, on ne saurait la situer sur le même plan que celui de la
circonférence et du rayon qui correspond au plan de l’économie traditionnelle.
Il faut assurément « situer » cette haqîqah au sommet d’une
véritable perpendiculaire au plan du cercle, et passant par son centre. Le
centre du cercle peut alors être regardé comme la trace de cette verticale dans
ce plan, son image, ou bien comme la projection et la descente de ce sommet
dans le plan même de l’économie traditionnelle : il symbolise en fin de
compte ce que nous appelons le revelatum.
Ainsi est-il explicitement souligné que, sur le plan où
se distinguent l’ésotérisme et l’exotérisme, ils sont relatifs dans l’ordre
même de l’économie traditionnelle à un troisième terme en qui ils trouvent leur
unité hic et nunc parce qu’il constitue leur unique objet. Sinon, si ce n’est
que du point de vue de la haqîqah suprême que s’abolit leur distinction,
alors, sur le plan même de la forme traditionnelle leur séparation s’avère
irréductible et se transforme en opposition. C’est pourquoi en dépit du
ternaire que nous venons d’évoquer, nous sommes en droit de parler, chez
Guénon, d’une conception « bifaciale. »
Au demeurant, on devrait sans doute apporter quelque modification à la représentation de l’ésotérisme et de l’exotérisme figurés respectivement par le rayon et la circonférence et réaliser la synthèse dynamique de l’un et de l’autre sous la forme d’une spirale concentrique, combinaison involutive de la circonférence et du rayon. On montrerait ainsi que l’exotérisme et l’ésotérisme sont des opérations herméneutiques, des cheminements et des démarches vivantes, non des déterminations géométriques fixes. Utiles pour définir des directions, ces déterminations sont inadéquates pour rendre compte de la vie spirituelle, laquelle est à la fois circulaire et radiale.
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