« Carrément vulgaire, très ordinaire »

 

Source : Ésotérisme guénonien et mystère chrétien par Jean Borella, éditions de L’Âge d’Homme, collection Delphica.

Dom Casel écrit à un correspondant : « Vous dites que les mystères païens ne donnaient qu’une illusion tandis que les mystères chrétiens procuraient la réalité. Je préférerais dire pour ma part que les mystères païens donnaient bien une réalité, mais que celle-ci demeurait prisonnière des forces cosmiques. » Cette remarque concorde parfaitement avec l’enseignement de S. Paul. Elle est en outre confirmée par l’importance croissante de la théurgie, voire de la magie dans les mystères. Mais n’y avait-il que cela ? En fait, la difficulté d’apprécier la nature des effets produits par l’initiation mystérique ne date pas d’aujourd’hui.

Déjà Proclus en fait état, à une époque, vers 450, où, certes, les Mystères élusiniens ont disparu depuis cinquante ans, mais où vivent encore des initiés qu’il connaît bien. Il écrit : « Que d’autre part les mythes aient aussi de l’influence sur le vulgaire, les initiations le prouvent.  Car celles-ci usant des mythes pour enfermer la vérité sur les dieux, sont pour les âmes, d’une manière à nous inconnaissable et divine, cause d’une communauté d’affect eu égard aux rites accomplis.

En sorte que, parmi ceux qu’on initie, les uns sas doute restent frappés de stupeur, remplis qu’ils sont de terreurs surnaturelles, mais les autres entrent en communion de disposition avec les symboles sacrés, et, étant sortis d’eux-mêmes sont entièrement fixés chez les dieux et pénétrés de divin. » Cette « communauté d’affect » se traduit tantôt par une sorte d’hébétude, tantôt par une forme d’exaltation, sinon d’extase, par laquelle on communique avec le divin, mais un divin d’ordre secondaire, les « dieux », fort loin de l’union avec l’un transcendant.

C’est sans doute la raison pour laquelle Proclus assimile les initiés au « vulgaire » ce qui étonnera plus d’un lecteur moderne. Et c’est là à peu près tout ce qu’on peut en dire. Il faut beaucoup de bonne volonté pour voir en cela quelque chose qui rappelle, même de loin, la distinction du salut et de la délivrance.

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