Source : À la recherche d’une autre Genèse, anthropologie de l’irrationnel, réédition amplifiée de Des Hommes, des Dieux et des Extraterrestres (1999), par Wiktor Stoczkowski, La Découverte Poche.
Le héros imaginé
par le journaliste et écrivain français Gustave Le Rouge (1867-1938) dans le
roman Le Prisonnier de la planète Mars, paru en 1909, est un jeune
ingénieur qui confectionne une fusée d’acier, une sorte de cercueil capitonné,
conforme au dessin industriel de l’époque, et invente un « condensateur
d’énergie » capable d’expédier son engin sur Mars.
Ces éléments
« scientifiques » et « techniques » du récit sont néanmoins
solidaires des motifs empruntés à l’occultisme car le « condensateur
d’énergie » fonctionne à l’énergie psychique, et, afin de se propulser
vers Mars, notre ingénieur utilise la force spirituelle de fakirs rassemblés
dans un monastère de l’Inde. S’ensuivent des aventures sur la planète rouge,
dans la veine du banal roman de voyage de l’ère coloniale (les Martiens sont
des sauvages) avec toutefois la découverte des vestiges d’une grandiose
civilisation disparue.
Également dans La
Roue fulgurante (1908) de Jean de la Hire, un des noms de plume du
journaliste et écrivain prolifique Adolfe d’Espie (1878-1956), la force psychique
est employée pour voyager d’une planète à l’autre, et c’est par ce seul moyen
qu’un savant peut se transporter sur Mercure, où il sauve quelques terriens
enlevés par des extraterrestres. Ledit savant, le docteur Ahmed Bey, est
occultiste avant d’être scientifique ; il a pénétré le secret des voyages
interplanétaires en découvrant, sous la Grande Pyramide, une inscription en
« sanskrit hermétique » tracée sur une peau de vache ; le même
secret a été conservé par des brahmanes indiens, peints par de La Hire à
l’image des Mahatmas blavatskiens.
Le docteur Ahmed
Bey, laissant sa dépouille sur Terre, effectue le voyage sur Mercure en corps
astral, aussi ramène-t-il au retour uniquement les corps astraux des
prisonniers libérés ; il ne reste qu’à leur trouver sur Terre de nouveaux
corps physiques qui remplaceront ceux qu’ils avaient été obligés d’abandonner
sur Mercure.
Dans ces
« romans scientifiques d’aventures », du début du vingtième siècle,
il y a de la science à petites doses et beaucoup d’occultisme. Les savants s’y
distinguent à peine des mages, alors que les progrès des connaissances à venir
sont imaginés comme un retour à la sagesse originelle dont l’ésotérisme assure
détenir les clefs. La plupart des ingrédients de la science-fiction
conventionnelle s’y trouvent déjà, mais sous une forme qui trahit encore leur
provenance occultiste.
Pendant longtemps, et jusqu’au milieu du vingtième siècle, les pulps américains réutiliseront massivement les thèmes traditionnels de l’occultisme, tels les esprits quittant le corps pour aller sur d’autres planètes, la métempsycose qui conduit les âmes à travers les chaînes planétaires, l’échange d’esprits entre extraterrestres et Terriens, des races avancées dont les esprits traversent le temps et l’espace pour explorer le Cosmos, les extraterrestres télépathes, la perception extrasensorielle, etc.
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