Source : À la recherche d’une autre Genèse, anthropologie de l’irrationnel, réédition amplifiée de Des Hommes, des Dieux et des Extraterrestres (1999), par Wiktor Stoczkowski, La Découverte Poche.
Il ne faudrait pas oublier que la rationalité
circonscrite donne plus d’une preuve de son utilité dans l’exploration du réel
et qu’elle devient, parfois, un instrument de connaissance passablement
satisfaisant. Il suffit de sentir une seule fois que le feu brûle et qu’il
n’est pas bon d’y mettre la main pour que la conclusion générale que nous nous
autorisons à tirer de cette observation unique et aléatoire nous épargne à
l’avenir d’autres expériences déplaisantes du même genre.
Serait-il bien raisonnable, comme les principes de la
rationalité performante le préconisent, de répéter l’expérience afin de
disposer d’un échantillon d’observations plus représentatif, de tester des
hypothèses concurrentes en utilisant divers types de feu, de vérifier si
l’effet pénible produit d’abord sur la main est tout aussi douloureux lorsqu’on
soumet à l’épreuve tantôt la plante du pied tantôt l’oreille ? Assurément
non, et l’on n’a pas toujours tort d’être aussi peu tatillon dans la validation
des inférences induites d’une observation incomplète.
Avant de songer à établir des conclusions définitives et convenablement vérifiées, il est parfois nécessaire de prendre des décisions en fonction d’hypothèses à l’évidence approximatives, voire partiellement fausses, mais qui ne nous égarent pas outre mesure, tout en nous donnant sur la réalité une prise suffisamment ferme pour que nous puissions éviter certains dangers et satisfaire nos besoins élémentaires : la rationalité circonscrite n’est pas déficiente au point de nous être toujours inutile, et les situations de la vie quotidienne qui le prouvent sont légion.
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