« Geworfenheit »

 

Ill. : Diric Bouts. Source : Entretiens spirituels et écrits métaphysiques par Jean-Marc Vivenza, éditions Le Mercure Dauphinois.

Les affirmations soutenues par Origène au sujet d’une création du monde, pensée comme une « chute », proviennent de son examen de la formule utilisée par les évangélistes lorsqu’ils évoquent la « fondation du monde » (Matthieu, 13 :25 ; 25 :34 ; Luc 11 :50 ; Jean 8 :23, 17 :24) formule reprise ensuite par saint Paul dans ses Épîtres, qui désigne bien une « descente », une dégradation provenant du verbe kattaballô, l’action de « jeter de haut en bas » pour parler de la création du monde matériel. Origène en déduisit que cela ne provenait pas d’un contresens de leur part, mais bien d’une nette volonté de nous indiquer le caractère descendant du geste créateur, alors même qu’il eût été possible et normal en pareille circonstance, d’utiliser le mot ktisis, signifiant positivement « Création » au sens plénier et originel.

Ainsi donc, Origène en est arrivé à considérer, sans doute nourri et influencé par les thèses des néo-platoniciens qui dominaient à Alexandrie en son temps, que le monde matériel avait été la conséquence d’une « chute », celle des âmes qui, par leur faute, ont mérité d’être précipitées et incorporées en des formes matérielles comme il s’en explique dans le Peri Archon, qu’il n’est jamais inutile de citer : « S’il en est ainsi, sont descendues de haut en bas non seulement les âmes qui l’ont mérité par leurs mouvements divers, mais encore celles qui pour servir ce monde ont été menées, bien que ne le voulant pas, de ces réalités-là, supérieures et invisibles, à ces réalités-ci, inférieures et visibles… pour ces âmes qui, à cause des trop grandes défaillances de leurs intelligences, eurent besoin de ces corps plus épais, et plus solides, et en vue de ceux à qui cela était nécessaire, ce monde visible a été institué. À cause de cela, par la signification de ce terme katabolé est indiqué la descente de tous du haut en bas.

Est-ce à cette situation, celle d’un monde dans lequel nous nous trouvons consécutif à une dégradation, à une « chute » des âmes précipitées d’un état spirituel en des formes matérielles corruptibles, rend encore possible un lien entre le haut et le bas, sachant que le Christ fit cette solennelle déclaration : « Vous êtes d’n bas, moi je suis d’en haut. » (Jean 8 :23)

Du point de vue mondain, certes non, aucun lien n’est possible ni envisageable, entre le corruptible et l’incorruptible. Ce qui est de l’ordre de la chair est voué à la mort et au néant. Ces deux ordres, celui de l’esprit est d’en haut, l’ordre de la chair est d’en bas, c’est pourquoi il y a deux origines distinctes et opposées, à quoi correspondent deux naissances différentes : « Ce qui est né de l’Esprit est esprit, ce qui est né de la chair est chair. » (Jean 3 :6)

Toutefois, la réponse se trouve ici.

La seule manière de « communiquer », d’établir un « lien » entre le « haut » et le « bas », est de se faire Esprit ; de naître « en l’Esprit », de « faire place à l’Esprit » comme nous y invite Saint-Martin.


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