« Sans la peine de mort, est-ce la peine de vivre ? »

 

Source : L’Héritage théologique de Joseph de Maistre, dans les œuvres fictionnelles de Jules Barbey d’Aurevillly, Léon Bloy et Georges Bernanos, par Louise Durieux, éditions Classiques Garnier, collection Confluences N°8, sous la direction de Pierre Glaudes.

Barbey d’Aurevilly défend la thèse maistrienne de l’expiation contre les accusations de folie et de cruauté. Le sentimentalisme de son temps se refuse à saisir que « le fameux passage [de Maistre] sur le bourreau est écrit, non d’après l’opinion personnelle de l’auteur, mais d’après les impressions que le bourreau causait autrefois à la foule. »

Par ailleurs, Barbey défend l’utilité de la peine de mort en prolongeant l’interprétation maistrienne de la guerre, car elle obéit à la « même grande loi de destruction » qui régit les êtres et dans laquelle Maistre perçoit la nécessité et l’universalité du sacrifice. Il regrette que le philosophe savoyard n’ait pas appliqué cette idée aux législations sur la peine de mort : « elle eut tout éclairé. »

La thèse de Barbey d’Aurevilly reprend les sources de la pensée de Maistre, en s’inscrivant dans une théologie pessimiste qui considère que « nous sommes tous condamnés à mort, et apparemment pour un crime. » Par conséquent, « l’échafaud ne fait pas la peine de mort, il la rapproche », elle n’est qu’une « diminution de longévité », bien utile puisqu’elle permet au coupable de se repentir et lui offre dans le meilleur des cas la vie éternelle, ce que n’aurait pas permis la « grâce horrible » d’un sursis.

Qu’en est-il de la réversibilité des mérites ? Force est de constater que le terme apparaît peu dans l’œuvre de Barbey d’Aurevilly et est pour ainsi dire presque absent de sa production critique. Les termes plus généraux d’expiation et de sacrifice sont privilégiés. Comme Maistre, Barbey est convaincu que tout homme est coupable et que chacun a quelque chose à expier.

S’ajoutent de surcroît, à l’hérédité du péché originel, les fautes des parents qui retombent sur leurs descendants. Une même solidarité unit les pères aux enfants et fait du péché un bagage qui se transmet de génération en génération. Barbey affirme l’immutabilité des maladies et cite le mot de Démocrite, repris par Maistre dans Les Soirées : « L’homme entier n’est qu’une maladie. »

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