Source : Écran total par Jean Baudrillard.
Le Nouvel Ordre
Mondial est disneyesque. Mais Disney n’est pas seul dans cette sorte de
cannibalisme attractif. On a pu voir Benetton dans ses campagnes publicitaires
récupérer toute l’actualité du drame humain (sida, Bosnie, misère, apartheid)
par transfusion de la réalité dans la Nouvelle Figuration médiatique, là où la
misère et la commisération entrent en résonance interactive.
Le virtuel rachète
le réel sur pied et la recrache tel quel, en prêt-à-porter. Si cette opération
peut réussir avec une telle ampleur, sans soulever d’autre réprobation que
morale, tout en suscitant une fascination universelle, c’est que la réalité
elle-même, avec toute son activité frénétique de clones, s’est déjà transformé
en une performance interactive, en une espèce de Luna-park des idéologies, des
techniques, des œuvres, du savoir, de la mort, et de la destruction même ;
tout cela propre à être cloné et ressuscité dans un musée infantile de
l’Information.
Aujourd’hui, Disney pourrait fort bien reprendre la Guerre du Golfe comme attraction mondiale. À Eurodisney, ce sont les chœurs de l’Armée rouge qui ont célébré Noël. Tout est possible, tout est recyclable dans l’univers polymorphe du virtuel. Tout peut être racheté. On ne voit pas pourquoi Disney ne rachèterait pas demain le génome humain, qu’on est en train de séquencer, pour en faire une attraction génétique.
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