Germains et nous

Si l’on tente de définir ce qui relie alors la Russie à l’Europe germanique, on sera tenté de dire que c’est un certain goût pour l’ésotérisme, pour la théosophie, l’occultisme. La Russie, qui vit naître la théosophie, s’enthousiasma pour son avatar anthroposophique et, de Moscou à Dornach, cette banlieue de Bâle où s’établit en 1914 le Docteur Rudolf Steiner, s’étend une certaine aire de spiritualisme qui a du mal à traverser le Rhin… L’influence de Mme Blavatskaïa et de ses disciples fut énorme. Celle de R. Steiner fut considérable. Et la carte des déplacements de Rudolf Steiner entre 1910 et 1914, ne serait-elle pas celle d’une certaine Europe centrale et Nordique ? En tout cas, Andréi Biély le suit à Cologne, à Berlin, Christiana (Oslo) et viendra finalement s’établir à Dornach, qui a laissé une trace capitale dans son œuvre. Le poète Ellis, le poète et peintre Volochine, ou encore Viatcheslav Ivanov, sont soit anthroposophes, soit très attirés. Ils ne sont pas les seuls, le journal de Kafka montre que lui aussi fut steinerien pendant un temps. Kandinsky également se sentait attiré. « Du spirituel dans l’art » est un texte assez voisin de la science spiritualiste de Steiner, qui, comme on le sait, a abouti à des écoles, une pédagogie très souple, et même une horticulture thérapeutique.

Georges Nivat : Une Europe centrale de Wilno à Dornach

 

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