Pouchkine détestait le sérieux, le pédant ; une
veine bachique parcourt toute son œuvre. Il aimait l’amitié, les jolies femmes,
berner les tartufes, provoquer les insolents. Il s’est affirmé bourgeoise pour
moquer les précieux. Il voulait que son nom restât surtout dans la mémoire de
quelque belle. Son angoisse, il l’a dite avec pudeur, légèreté, comme dans ce
poème de 1830 traduit par Jean-Luc Moreau avec un particulier bonheur.
Que t’importe mon pauvre nom ? / Il va mourir
comme la plainte / Des flots, comme un cri dans le crainte / La nuit dans un
taillis profond.
Il laisse sur le papier nu / Une trace morte. Je songe,
/ Sur ces dalles que le temps ronge / À quelque langage inconnu…
Mon nom, tu l’auras oublié / Dans le tourbillon de ta
vie / Sans que, pour toi, il soit lié / Au souvenir d’une embellie.
Mais si tu connais le malheur / Prononce-le. Il t’est
fidèle / Dis-toi : il est au monde un cœur / Où je vis, et qui se
rappelle.
Pour une fois, la rime française n’a rien affaibli du
russe, rien trahi. Parfois, la barque poétique passe le fleuve des langues.
Georges Nivat : Traduire Pouchkine
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