Source : En public, poétique de l’auto-design par Boris Groys, éditions P.U.F., collection Perspectives critiques.
Pour quelle raison le projet conduit-il à
l’isolement ?
Au fond, une réponse a déjà été donnée à cette question. Chaque projet est avant tout l’affirmation d’un futur autre, d’un futur nouveau, supposé advenir une fois le projet réalisé. Afin de provoquer un tel futur, il faut d’abord s’évader du temps.
Le projet déplace son porteur
dans un temps parallèle, hétérogène. Ce temps est détaché du temps de la
société ; il est désynchronisé. La vie de la société continue, le cours
habituel des choses restent inchangé. Mais quelque part, en dehors de ce flux
temporel continu, quelqu’un commence à travailler, sur un projet : il
écrit un livre, prépare une exposition, ou complote un attentat spectaculaire,
dans l’espoir qu’une fois celui-ci achevé, le cours des choses habituels sera
changé, et l’humanité entière se verra léguer un autre futur, celui-là même que
le projet anticipait et visait.
En d’autres termes, un projet ne se développe que dans
l’espoir de se voir re-synchronisé avec l’environnement social. Il est jugé
comme un succès si cette opération parvient à diriger l’environnement social
dans la direction désirée. Et il s’avère un échec si le cours des choses
demeure inchangé par sa réalisation. Cependant, le succès et l’échec du projet
partagent une chose : tous deux y mettent un terme et re-sychronisent le
temps parallèle du projet avec l’environnement social. Mais, dans ces deux cas,
la resynchronisation provoque un sentiment bien connu de malaise, voire d’abattement,
qu’il se soit soldé par un succès ou par un échec.
Dans les deux cas, ce qui semble perdu, c’est cette vacance dans un temps parallèle, cette vie à l’écart du cours général des choses.
hikikomori avec projet.
RépondreSupprimerC'était il y a longtemps, "quand j'étais petit et que mes yeux n'imaginaient pas le bout d'ma vie"
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