Source : Le Post-scriptum communiste par Boris Groys, éditions Maren Sell, collection Libella, recommandé par Neûre aguèce.
Un autre malentendu tient au fait que l’on envisage
souvent aujourd’hui la participation au langage comme un accès à des réseaux de
communication dans lesquels les marchandises linguistiques circulent sous les
conditions générales du marché. Dans cette perspective, on ne cesse d’entendre
exiger que certains groupes sociaux, ethniques ou autres, puissent exprimer
leurs propos par le langage.
Ces revendications sont certainement légitimes et
méritent d’être saluées. Seulement, il est toujours question ici de
représentations linguistiques des prétentions et intérêts particuliers. Ils
sont, en général, présentés de manière claire, distincte, et cohérente afin de
passer au bout du compte un compromis avec d’autres prétentions opposées. Il
s’agit dès lors, en l’occurrence, d’une extension du discours sophistiques et
non du dévoilement de la dimension philosophique du langage.
Premièrement, ces prétentions se changent en
marchandises dans la mesure où elles se mettent à circuler par le biais de
réseaux de communication commerciaux existant. Et deuxièmement, l’inévitable
contradiction interne de ces prétentions est masquée par le fait que les contradictions
deviennent des compromis dans le média de l’argent.
En tant qu’information et communication, le langage
perd son unité. Il se décompose en différents discours fermés, logiquement
corrects, qui fonctionnent sur le marché comme des marchandises et restent
cohérents pour la seule raison qu’ils projettent leurs contradictions sur le
tout du capital ; et se font payer pour cela. La simple exigence de
formuler par le langage des prétentions individuelles particulières, afin de
permettre leur accès aux réseaux pluralistes de la communication, ne suffit
donc pas à établir le règne du langage.
Il faut pour cela, dans un premier temps, que soit révélé et thématisé l’élément commun, trans-individuel de toutes les prétentions et opinions individuelles possibles, c’est-à-dire leur structure logique, inévitablement paradoxale et en contradiction interne.
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