Source : En public, poétique de l’auto-design par Boris Groys, éditions P.U.F., collection Perspectives critiques.
Nous sommes capables de stabiliser une copie en tant
que copie, comme nous sommes incapables de stabiliser un original en tant
qu’original. Il n’y a pas de copies éternelles, tout comme il n’y a pas
d’originaux éternels. La reproduction est autant corrompue par l’original que
celui-ci est corrompu par la reproduction. En circulant dans différents
contextes, une copie devient une série de différents originaux. Chaque changement
de contexte, chaque changement de médium peut s’interpréter comme la négation
du statut de copie en tant que copie ; comme une rupture essentielle,
comme un nouveau départ annonçant un nouveau futur.
En ce sens, une copie n’est jamais vraiment une copie
mais plutôt un nouvel original, dans un nouveau contexte. Chaque copie est un
flâneur, éprouvant sans cesse ses propres illuminations profanes, ce qui la
transforme en un original. Ses anciennes auras sont abandonnées et de nouvelles
les remplacent. Peut-être reste-t-elle la même copie, mais elle devient
différents originaux. Tout ceci témoigne du fait que le projet postmoderne de
penser le répétitif, l’itératif, le reproductif d’une image, s’avère aussi
paradoxal que le projet moderne visant à mettre en valeur l’original et le
nouveau.
C’est d’une certaine manière la raison pour laquelle l’art postmoderne tend à sembler très neuf, même s’il, ou plutôt parce qu’il, s’oppose à l’idée même du nouveau. La décision d’identifier une certaine image en tant qu’originale ou en tant que copie est dépendante du contexte ; elle n’appartient ni au passé, ni au futur, mais au présent. Par ailleurs, c’est toujours une décision souveraine ; en effet, l’installation constitue l’espace dans lequel une telle décision peut être prise, espace où « l’ici et maintenant » peut apparaître et l’illumination profane des masses peut survenir.
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