Si tel vagabond criait tout à coup : « Je
suis Raphaël ! Je paraissais boire et manger avec vous, mais ma nourriture
est invisible et ce que je vois ne saurait apparaître aux hommes », qui
sait si la terreur du pauvre bourgeois ne s’étendrait pas aux
constellations ? Fumant de peur, il découvrirait que chacun vit à tâtons
dans son alvéole de ténèbres, sans rien savoir de ceux qui sont à sa droite et de
ceux qui sont à sa gauche, sans pouvoir deviner le « nom » véritable
de ceux qui pleurent en haut ni de ceux qui souffrent en bas, sans pressentir
ce qu’il est lui-même, et sans comprendre jamais les murmures ou les clameurs
qui se propagent indéfiniment le long des couloirs sombres.
Léon Bloy : La Femme pauvre, épisode contemporain
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