Source : La Création littéraire chez Dostoïevski par Jacques Catteau, Bibliothèque Russe de l’Institut d’Études Salves, tome XLIX
Fedorov est l’homme d’une seule et grande idée, comme
Chatov et Kirilov : la résurrection générale et réelle, concrète, des
ancêtres. Rejetant en philosophie l’objectivité qui conduit à une vérité
abstraite, la subjectivité qui mène à l’indifférence envers la vérité, il prône
la « projectivité », proche de notre prospective, mais avec cette
nuance qu’elle s’exerce dans une double optique.
Scientifique, elle vise la domination matérielle,
rationnelle de la nature et même du cosmos par l’homme. Morale et religieuse, elle
œuvre à la réalisation de la fraternité universelle. Celle-ci s’étend aussi
bien aux vivants qu’aux morts, nos ancêtres, dont nous avons le devoir
d’entreprendre la résurrection vraie. Par quelles voies ? La
« maîtrise des molécules », le « rassemblement des particules
dispersées dans l’univers », ou quelque « acte divin », de
nature transcendante ?
Fedorov ne le dit pas clairement. Le projet, qui
ressortit à la fois à la futurologie, et à la métaphysique, est cependant
audacieux. Il répond par beaucoup de ses points, au désir intime du romancier
d’incarner, de concrétiser et de palper l’immatériel et aussi, à son rêve,
maintes fois repris dans ses dernières œuvres, d’un âge d’or effectif où
christianisme et mythe païen de l’éternel retour sont étroitement confondus.
Dostoïevski n’a sans doute pas lu Fedorov, il s’est simplement renseigné et entretenu sur les idées du philosophe russe qui l’ont tenté pendant l’écriture des Frères Karamazov comme en témoignent les carnets où il évoque la « résurrection des aïeux. »
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