Source : Dostoïevski, face à la mort ou le sexe hanté du langage par Julia Kristeva, éditions Fayard.
L’idée réelle est la substance, l’élément de l’érotisme
selon Dostoïevski. Ne la cherchez pas dans le corps, sexe,
zones érogènes, aires cérébrales, neurotransmetteurs et autres mises en scène
organiques susceptibles de marchandisation dans les « palais de
cristal » où « deux fois deux font quatre », financiarisés et
globalisés.
À peine évoqué, vaguement sous-entendu et pourtant
omniprésent, il ne reste que la poussée sexuelle que « la force
extraordinaire de l’impression » (vpetchiatlénié, de petchat,
« sceau, empreinte, trace »), la pointe psychique qui imprègne cette
sorte de pensée devenue « réelle » à force de greffes, et qui appartient
à votre vie : à « quelque chose qui a toujours existé dans votre
cœur », une « impression forte », « joyeuse et
douloureuse », « neutre et prophétique. »
Seul le sourire, veilleur permanent, détache et
préserve l’idée réelle de l’aliénation, du cauchemar ou du délire ; sans
empêcher pour autant que des passages à l’acte s’ensuivent… quintessence de la
pensée réelle qui mène immanquablement à ces ultimes défis du réel (déïstvitel’nost)
que sont le viol, le suicide, le meurtre. Impossible à penser, sinon en cette
pensée réelle qu’est le carnaval de l’écriture.
« Si l’on rassemblait cette foule qui m’apparut alors dans mes songes, cela ferait une magnifique mascarade » — Fédor Dostoïevski : Songes pétersbourgeois, 1861
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