« Je me fais à moi-même, déclarait-il à un
reporter, l’effet d’un chat courtois, très poli, presque aimable, mais nerveux,
prêt à sortir ses griffes au moindre mot. »
Le chat paraît être, en effet, sa bête, moins la grâce
de ce félin. Il est capable de guetter indéfiniment sa proie, et même la proie
des autres, avec une douceur féroce que ne déconcerte nul outrage. Il accueille
tout sur la pointe d’un demi-sourire figé, laissant tomber, de loin en loin,
quelques minces phrases métalliques et tréfilées qui font, parfois, les
auditeurs incertains d’écouter un être vivant. Il est celui qui « ne
s’emballe pas. » Le pli dédaigneux de sa lèvre est acquis pour l’éternité,
à tout lyrisme, à tout enthousiasme, à toute véhémence de cœur, et sa plus
visible passion est de paraître un fil de rasoir dans un torrent…
Sa malignité, cependant, est circonspecte. Très
soigneux de sa renommée, qu’il cultive en secret, comme un cactus frileux et
rare, il ne néglige pas de prendre contact avec des journalistes qu’il pense
avoir le droit de mépriser ou avec certains confrères pleins de candeur dont il
subtilise les conceptions.
Léon Bloy : La Femme pauvre, épisode contemporain
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