L’art d’avant-garde demeure impopulaire par défaut,
même lorsqu’il est exposé dans les plus grands musées. De manière paradoxale,
ce n’est pas pour sa force, mais pour sa faiblesse, qu’il est en général
considéré comme non démocratique ou élitiste. Ce qui signifie que l’avant-garde
est rejetée, ou plutôt dévalorisée, par le grand public, par le public démocratique,
précisément pour cet aspect ; elle n’est pas populaire parce qu’elle est
démocratique. Et si elle était populaire, elle serait non démocratique. En
effet, l’avant-garde ouvre la voie permettant à un individu lambda de se
prendre lui-même pour un artiste, de pénétrer le champ artistique en tant que
producteur d’images faibles pauvres, seulement partiellement visibles. Mais,
par définition, un individu moyen n’est pas populaire ; seuls les stars,
les people, les personnalités exceptionnelles et célèbres peuvent devenir
populaires. L’art populaire est conçu pour une population composée de
spectateurs tandis que l’art d’avant-garde est élaboré pour une population
d’artistes.
Boris Groys : En public, poétique de l’auto-design
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