Source : En public, poétique de l’auto-design par Boris Groys, éditions P.U.F., collection Perspectives critiques.
La profession d’apôtre, comme l’écrit Agamben,
correspond à la pratique de la « révocation constante de chaque
vocation. » Autrement dit, la dé-professionnalisation de toutes les
professions. La contraction du temps appauvrit et vide tous nos signes et
activités culturels, les transforme en signes nuls, ou encore, en « signes
faibles. »
Ces signes faibles annoncent l’arrivée de la fin des
temps, celui-ci étant affaibli par cette arrivée, et manifestent par avance
le manque du temps qui serait nécessaire pour pouvoir produire et contempler
des signes forts, des signes riches. Pourtant, à la fin des temps, ces signes messianiques faibles triomphent sur ceux de l’autorité, de la tradition, et du pouvoir,
mais aussi sur ceux de la révolte, du désir, de l’héroïsme ou du choc.
Lorsqu’il évoque les signes faibles du messianisme, Agamben a, de toute
évidence, à l’esprit « la force messianique faible » dont parlait
Walter Benjamin.
On peut également se souvenir, même si Agamben, ne le
fait pas, que dans la théologie grecque, le terme kénose caractérisait la
figure du Christ : la vie, la souffrance et la mort du Christ en tant
qu’humiliation de la dignité humaine, et abandon des signes de gloire divine.
Comprise en ce sens, la figure du Christ devient, elle aussi, un signe faible
pouvant être interprété, ou mésinterprété, comme un signe de faiblesse, un
point discuté par Nietzsche dans l’Antéchrist.
Je suggérerais alors que l’artiste d’avant-garde est un apôtre sécularisé, un messager du temps transmettant au monde un message disant que le temps se contracte, que nous nous trouvons confrontés à une pénurie de temps, voire à un manque.
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