« Sur toute chose, le ciel stochastique »

 

Source : L’évolution, ça marche : petit manuel d’autodéfense darwinienne, par Thomas C. Durand, éditions du Seuil, collection Science ouverte, recommandé par Neûre aguèce.

Voici comment se présente sur un site de confession protestante : « faire intervenir le hasard comme agent directeur de l’évolution, c’est en fait proposer une interprétation philosophique de la vie et donc dépasser le cadre de la science. » L’argument consiste à personnaliser le hasard, conformément à la compréhension intuitive que la majorité des gens a de l’évolution. Ce hasard personnifié devient l’élément central d’une vision métaphysique qui n’est plus de la science, ce qui permet à la pensée religieuse de s’y opposer. Il s’agit du sophisme dit de l’homme de paille : on transforme le concept de hasard tel qu’il est compris en science pour en faire une cible plus facile.

Le hasard dans la théorie de l’évolution n’est pas une force obscure, ou le nom d’une entité métaphysique cristallisant une vision du monde. Il n’est pas non plus le cache-misère que l’on brandirait pour nommer ce que l’on ne sait pas expliquer dans le détail. Ce hasard est le résultat de la nature stochastique des événements à toutes les échelles du vivant.

Il est impossible de prévoir les mutations génétiques, leur impact sur l’individu, sur son espérance de vie ou sa reproduction, leur devenir au sein du génome de la population, leur diffusion au sein de l’espèce dans un environnement lui-même soumis à des changements liés à la composition du sol, de l’activité solaire et d’éventuels événements catastrophiques.

Et pourtant, la science comprend chacune de ces échelles prises indépendamment. Des modèles existent sur les phénomènes moléculaires des mutations. On explique de mieux en mieux les interactions entre les gènes dans la cellule, on connaît les règles des équilibres entre les différentes versions d’un même gène au sein d’une population. Rien de tout cela n’est mystérieux en soi. C’est la complexité des systèmes vivants qui les rend imprévisibles pour la science.

Peut-être d’ailleurs le sont-ils par nature, d’après la physique quantique. En tant que résultante de tous les phénomènes physiques qui interviennent dans le vivant, et qui sont tous des objets de la science, le hasard lui-même est un élément de la science.

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