La transparence du mal, cela ne veut pas dire que le
Mal est transparent au sens où on verrait à travers, mais c’est lui qui
transparaît à travers toutes choses, quand elles perdent leur image, leur
miroir, leur reflet, leur ombre, quand elles n’offrent plus de substance, ni de
distance, ni de résistance, quand elles deviennent à la fois immanentes et
insaisissables par excès de fluidité et de luminosité. Tant que le Mal était
opaque, obscène, oblique, obscur, il y avait encore une transcendance du Mal,
et on pouvait le tenir à distance. Désormais, il devient immanent et
interstitiel ; il prend en particulier en Occident la forme du terrorisme
comme virus filtrant. C’est le terrorisme politique, mais ce sont aussi toutes
les virulences biologiques, sexuelles, électroniques, médiatiques. Avec les
événements de l’Est, ce thème reçoit une illustration éclatante, et le Mal
entre dans une phase de dissémination définitive. Le communisme, éclaté,
déstabilisé, va passer dans les veines de l’Ouest, sous forme métabolique,
subreptice et le déstabiliser à son tour. Ce ne sera pas la violence de l’Idée,
mais ce sera le virus de la désimmunisation.
Jean Baudrillard : L’Illusion de la fin
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