Source : Plaidoyer en faveur de l’intolérance par Slavoj Žižek, éditions Climats, relecture en cours, dix-sept ans après.
On devrait, sans en tirer un quelconque préjudice,
prendre les bonnes idées et les appliquer, quelles que soient leurs origines
idéologiques ? Et quelles sont ces « bonnes idées » ?
La réponse, naturellement, est : les idées qui
marchent. C’est ici que s’impose à nous le fossé séparant un acte politique
véritable de « l’administration des question sociales » qui subsiste
à l’intérieur de la trame des relations sociopolitiques existantes : le
propre de l’acte (de l’intervention) politique n’est pas simplement de bien
fonctionner au sein de la trame des relations existantes, mais de modifier la
trame même qui détermine la manière dont fonctionnent les choses.
Affirmer que les bonnes idées sont « les idées qui
marchent » signifie que l’on accepte par avance la constellation
(capitaliste planétaire) qui détermine ce qui marche (si, par exemple, il est
dépensé trop d’argent pour l’éducation ou les soins de santé, cela « ne marche
pas » dans la mesure où cela enfreint trop les conditions de la
profitabilité capitaliste.)
On peut également le postuler en reprenant les termes
propres à la définition bien connue de la politique comme « art du
possible » : la politique authentique est plutôt l’exact opposé,
c’est-à-dire l’art de l’impossible — elle modifie les paramètres mêmes de ce
qui est considéré comme « possible » dans la constellation existante.
Dans cette acceptation, même la visite de Nixon en Chine et l’établissement qui s’ensuivit de relations diplomatiques entre les U.S.A. et la Chine furent une sorte d’acte politique, dans la mesure où elle changea en réalité les paramètres de ce qui était considéré comme « possible » ou « réalisable » dans le domaine des relations internationales — oui, réaliser l’impensable et s’entretenir normalement avec l’ennemi ultime serait faisable.
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