« Pourquoi cette haine, cette violence »

 

Il y a environ un an, la télévision autrichienne avait organisé un débat sur le Kosovo entre un Serbe, un Albanais et un pacifiste autrichien. Le Serbe et l’Albanais présentèrent tous deux leur point de vue d’une manière cohérente et rationnelle ; cohérente et rationnelle dans la mesure où on accepte leurs présupposés respectifs, à savoir que le Kosovo est le berceau historique de la Serbie, sur lequel les Serbes ont un droit inaliénable ; et que les Albanais, opprimés depuis des décennies par les Serbes, ont droit à une entité politique souveraine.

À l’inverse, le pacifiste autrichien tenta de jouer le rôle du conciliateur, implorant les deux adversaires : « Quelles que soient vos idées, promettez-nous que vous ne tirerez pas l’un sur l’autre, que vous ferez de votre mieux pour résister à la terrible tentation de la haine et de la vengeance. »

À ce moment-là, le Serbe et l’Albanais, officiellement adversaires, échangèrent un bref regard, dans un geste de solidarité issu d’une perplexité partagée, comme s’ils se disaient l’un à l’autre : « De quoi parle cet imbécile ? Est-ce qu’il comprend quoi que ce soit ? » Dans ce bref échange de regards, je vois une lueur d’espoir : si le Serbe et l’Albanais, au lieu de se battre l’un contre l’autre, étaient capables d’allier leurs forces pour assommer ce pacifiste stupide, tout espoir ne serait pas perdu pour la Yougoslavie.

Slavoj Žižek : Vous avez dit totalitarisme ?

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