La plupart des hommes sont
persuadés que leur vie se distingue de celle des autres. Mais la vie qu’ils
mènent n’a pas plus d’intérêt que de sens, et tout ce qu’elle mérite, c’est
l’extinction. En tant qu’écrivain, j’en ai rencontré plus que je ne souhaite ou
d’ailleurs ne peux me rappeler. Même s’ils ne lisent pas, sauf peut-être pour
se repaître du fumier d’un tabloïde mal écrit ou des âneries qui s’affichent
sur l’écran de leurs joujoux portables ou de leur ordinateur, ils sont
persuadés qu’un écrivain sera forcément attiré par le ronron inepte de leurs
ternes histoires. Il est difficile de leur échapper. Ils ne connaissent rien,
et surtout pas eux-mêmes. Ils passent du berceau à la tombe en quête de quelque
chose. L’objet de cette quête a aussi peu d’intérêt pour moi que leur
existence. Ils sont une source d’ennui et d’aigreurs d’estomac, rien de plus. N’allez
pas croire que je les distingue des écrivains de cette majorité. La plupart, de
fait, en font partie, mais ces écrivains-là, il ne convient ni de les lire, ni
de révéler leur existence.
Nick Tosches : Moi et le Diable
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