« Ni fé nin l’bietzsche avou çoulà ! »

 

Il n’y a rien d’immanent, on n’aboutit à rien en partant de l’immanent. Le pont-levis est toujours établi de l’autre côté et il n’est pas de notre ressort, comme le décrit Kafka, d’être ou non appelé. On peut monter en ascenseur jusqu’aux étages les plus élevés des grands immeubles de l’âme, mais cela ne mène nulle part. De ce côté-là, on n’arrive à rien… C’est depuis l’autre côté qu’on nous dira que nous sommes libérés. Se libérer soi-même de manière autonome, sur le modèle de l’idéalisme allemand… non vraiment, quand on a mon âge et qu’on est dans mon état, on ne peut que s’étonner qu’à l’exception des professeurs, quelqu’un prenne encore ça au sérieux.

C’est l’aura de l’idéalisme allemand et de la philosophie classique allemande. C’est la religion de Goethe : Celui qui s’efforce constamment, celui-là nous pouvons le sauver. « Wer immer strebend sich bemüht… » On peut perdre la tête en lisant des choses pareilles, quand on les prend au sérieux. Nous pouvons encore soupirer longtemps ainsi, mais s’il n’y a pas de pont-levis, à quoi bon… Et je ne vois pas comment on pourrait dépasser cela. Ni par les ascensions, ni par les profondeurs, ni par le chemin qui conduit vers l’intérieur, Novalis, etc.

Vous pouvez faire ce que vous voulez, mais si Dieu est Dieu, il est impossible de le faire sortir de notre âme ; tout s’arrête à ce point incontournable. Il y a un prius, un a priori. Quelque chose doit se passer de l’autre côté, c’est dans ce cas-là que nous voyons, lorsque quelque chose a mis fin à notre aveuglement…

Jacob Taubes : La Théologie politique de Paul

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