Destroïka

 

L’étonnant, c’est la facilité avec laquelle tous ces pouvoirs communistes se sont effondrés. Ils n’ont pas été vaincus : il a suffi qu’on y touche pour qu’eux-mêmes s’aperçoivent qu’ils n’existaient plus. C’est comme dans les dessins animés, lorsque le funambule qui se balance au-dessus du gouffre voit soudain qu’il n’y a pas de fil et il tombe d’un seul coup, il passe sans transition de l’imaginaire dans le réel ; c’est le ressort fondamental des cartoons. Cela rejoint l’effondrement magique du sens dans le trait d’esprit. Dans le Witz, c’est comme si la structure linéaire du langage n’avait jamais existé et, du coup, s’effondre d’elle-même avec une évidence incompréhensible. Il ne s’agit dont pas d’une « libération » du langage, ni de sa dislocation sous l’effet de contenus inconscients, mais d’une forme accidentelle extrême ou le langage semble vouloir au-delà de son opération volontaire, se prendre à son propre vertige.

Jean Baudrillard : L’Illusion de la fin

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