Source : Lettre à Carl Schmitt du 18 septembre 1979, par Jacob Taubes, in. La Philosophie politique de Paul, Schmitt, Benjamin, Nietzsche et Freud, éditions du Seuil, collection Traces écrites.
J’essaie de lire, par obligation universitaire, toute
la littérature récente sur Hobbes, et je ne cesse de m’étonner combien elle
passe à côté du texte ; pourtant, Hobbes a clairement dit, tant dans ses
formules que dans ses images, que le Léviathan analyse la situation du
Commonwealth, d’abord du point de vue ecclésiastique, puis du point de vue
civil…
Je me demande s’il ne faudrait pas lire Hobbes encore
plus à la lettre que vous ne l’avez proposé. Pourquoi le Léviathan doit-il être
seulement considéré comme une « trouvaille littéraire » ? Hobbes
est très sérieux quand il parle du « great Leviathan », de ce
« mortal God » auquel nous devons, et c’est maintenant le
point décisif, « under the immortal God, peace and defence. »
C’est la raison pour laquelle la formule « that Jesus is the Christ »
n’est pas non plus une formule toute faite, mais une phrase qui revient
souvent.
C’est pourquoi la machine étatique n’est pas un perpetuum
mobile, un Empire millénaire sine fine, mais elle est mortelle, donc
elle représente un point d’équilibre fragile entre l’intérieur et l’extérieur
et, étant mortelle, elle reste aussi sur le carreau.
Ce n’est pas le « premier juif libéral »
[Spinoza] qui a découvert cette « faille », mais l’apôtre Paul, très
« estimé » également par ce « premier juif libéral », vers
lequel je me tourne aux époques décisives, qui a distingué « l’intérieur »
et « l’extérieur », eu égard au « politique. »
Sans cette distinction, nous sommes livrés aux trônes et aux pouvoirs qui, dans un cosmos « moniste », ne connaissent plus d’au-delà. On peut discuter la question de savoir où il faut tracer, et retracer toujours de nouveau la frontière entre la sphère spirituelle et la sphère terrestre, c’est l’affaire constante de la théologie politique, mais si cette distinction s’efface, nous manquerons alors de souffle occidental, y compris Hobbes qui distingue toujours « power ecclesiastical and civil. »
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