Anticorps

 

C’est souvent ainsi que l’on songe à son propre corps : combien de petites choses doivent-elles s’agencer pour que je reste en vie ? Un petit caillot de sang dans une veine et je meurs. Quand on commence à penser au nombre de choses qui pourraient aller de travers, on ne peut qu’être submergé par une panique totale.

Le schizo deleuzien s’identifie simplement à cette machine infiniment complexe qu’est notre corps ; il vit cette machine impersonnelle comme son affirmation la plus haute, et il se réjouit de son frémissement permanent. Comme le souligne Deleuze, nous n’avons pas affaire ici à la relation de métaphore et au vieux sujet des machines qui remplacent les êtres humains, mais à celle de métamorphose, au « devenir machine » d’un homme.

C’est ici que le projet réductionniste fait fausse route : le problème n’est pas de savoir comment réduire l’esprit aux processus neuronaux « matériels » ou de remplacer le langage de l’esprit par le langage des processus du cerveau, ou à traduire le premier dans le second, mais de comprendre que l’esprit ne peut émerger qu’à l’intérieur du réseau de rapports sociaux et de suppléments matériels.

En d’autres termes, le problème n’est pas comment les machines peuvent-elles imiter l’esprit humain, si elles le peuvent, mais comment l’identité de l’esprit humain dépend-elle de suppléments mécaniques externes ? Comment incorpore-t-elle des machines ?

Slavoj Žižek : Organes sans corps

Commentaires