« Verbum dimissum secretum custodiat »

 

Source : L’Antéchrist à l’âge classique, summulae, exégèse et politique par Jean-Robert Armogathe, éditions Mille et Une Nuits, collection Les Quarante piliers, dirigée par Pierre Legendre, relecture dix ans après.

Au début du vingtième siècle, un prédicateur anglican passé au catholicisme, Mgr Robert Hugh Benson (1871-1914), a consacré à l’Antéchrist un roman, Lord of the World, dont la traduction française (en 1908, due à Théodore de Wyzenwa, éminent musicologue russe d’origine polonaise) fait l’objet de permanentes réimpressions. C’est une parabole du monde moderne et une apologie de la papauté. Le récit principal est illustré de plusieurs diversions plus ou moins heureuses.

En trois parties, l’événement, la lutte, la victoire, l’itinéraire flamboyant du président Julien Felsenburgh le conduit à dominer l’Europe, puis le monde. Instaurateur d’un nouveau culte mondial, il fait détruire Rome par ses engins aériens et décide finalement d’exterminer les derniers chrétiens. La trahison du cardinal de Moscou met en péril le dernier pontife, un jeune prêtre anglais, qui s’est réfugié à Capharnaüm, la ville de Pierre. L’Armada de l’Antéchrist se déplace pour l’écraser, tandis qu’il veille devant le Saint-Sacrement, avec quelques simples fidèles et catéchumènes. Le chant du Tantum ergo, ponctué par l’explosion des bombes, est repris par les anges, « et ce monde passa, et toute sa gloire se changea en nant… »

Le roman est faible et ses meilleures parties sont certainement la description de la prodigieuse ascension du monstre et certains de ses discours. L’Antéchrist de Benson apparaît comme prodigieusement intelligent et bien plus intéressant que ses adversaires catholiques.

L’intention apologétique en moins, le roman de Hugh Benson peut être rapproché d’une bande dessinée à grand succès : au mois d’août 1998, les kiosques de gares affichaient en Italie un livre de la bande dessinée Dylan Dog, une série mensuelle fantastique conçue et écrite par Tiziano Sclavi. Le numéro de ce mois d’août avait pour titre : Apocalypse. On y voyait un bébé du nom de Lamby, « L’Agneau », qui parlait, mais les adultes ne parvenaient pas à comprendre cet infans.

Seul un adolescent innocent pouvait saisir le sens des mots balbutiés. La bande dessinée les donnait en version originale : « Verbum dimissum secretum custodiat », « Que la parole émise conserve le secret » tandis qu’un crucifix, en adressant la parole à un prêtre défroqué, déclenchait la fin du monde, en répandant l’arme biologique qui avait échappé au contrôle des militaires. Cet étonnant récit est nourri par les Écritures et, par ailleurs, Tiziano Sclavi reconnaît deux sources cinématographiques L’Ange exterminateur de Bunuel (1962) et Le Royaume du cinéaste danois converti au catholicisme, Lars von Trier.

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