« Ton royaume est maudit »

 

Il y a longtemps quand j’étais môme
Je chantais mon plat petit pays
Mais plus je regarde l’Atomium
Et plus il me coupe l’appétit
Avec ses neufs boules immondes
Plus ravagées que la Tour de Pise
J’habite dans la seule ville au monde
Dont l’fétiche soit un mec qui pisse
Sous l’Atomium, il y a les Belges
Belge, ça ne rime avec rien
Pour changer d’air je change d’auberge
Voir au moins s’il y a des terriens
 
Noble Belgique, merdeau chéri-i-i-i-i
Je te laisse ton crachin asthmatique
et ton microclimat pourri
 
Ils sont si fiers de leurs boutiques
De leurs comptoirs en Formica
Que les bouchers font de la politique
Pour se payer la Costa-Blanca
Y'a plus que des croûtes sous leurs fromages
Des musées, des ruines des huissiers
Des hospices des bureaux de chômage,
dans la patrie des épiciers
Depuis vingt ans, tous les six mois
Ils votent pour les mêmes abrutis
Mais celui qu’ils préfèrent, c’est le roi
Parce qu’il est bilingue et gentil
 
Noble Belgique, merdeau chéri-i-i-i-i
Je te laisse ta frontière linguistique
Et les crassiers de tes aciéries
 
Dans la patrie des centre-avants
La gauche, la droite, c’est dépassé
Aujourd’hui quand on se fait baiser
C’est par-derrière ou par-devant
Devant, ‘y a les jeunes gens modernes
Vieux comme la mode en plus ridés
Qui ont si peur qu’on voie leurs cernes
Qu’ils se mettent du gel dans les idées
Derrière, ‘y a les vieux cons modèles
La dernière fois qu’ils ont pensé
Ils lisaient les tracts de Degrelle
Assis sur le banc d’un lycée
 
Noble Belgique, merdeau chéri-i-i-i-i
Je te laisse ton Yser nostalgique
Le VMO et ses conneries
Ils font du jogging le samedi
Dans le parking du Brico-Center
Du coffre ouvert à leur caddy
Dans la patrie des supporters
Avec leurs drapeaux et leurs chants
Leurs écharpes blanches et brunes
Du Heysel jusqu’à Francorchamps
Ils s’écrasent au pied des tribunes
Puis fatigués d’avoir gueulé
D’avoir sucé leurs munitions
Ils s’endorment devant la télé
Pendant l’heure des informations
 
Dans la patrie d’Achille Chavée
Il n’y a plus d’art sans mécénat
On joue Shakespeare dans les travées
Sponsorisé par SABENA
Ils font la fête deux fois par an
Au nouvel an, au carnaval
Ils vont mâcher chez leurs parents
Pour qu’ils rigolent ‘faut qu’ils avalent
Dans la patrie des tire-la-gueule
Pour qu’ils rigolent ‘faut qu’ils soient saouls
Pour qu’ils soient saouls ‘faut qu’ils dégueulent
Chimay Rochefort et Maredsous

Noble Belgique, merdeau chéri-i-i-i-i
Je te laisse ton bonheur en barrique
Danse des canards et pot-pourri...

De tous les peuples de la Gaule
Les Belgavox sont les plus braves
Y'a deux mille ans que César rigole
En traversant leurs champs de betteraves
Depuis le temps des pithécanthropes
L’Autriche, la France, la Prusse, l’Espagne
Tous les culs couronnés d’Europe
Violent leurs filles et leurs campagnes
Dans la patrie des collabos
Depuis que l’OTAN a quitté Florennes
Y a plus que la Suisse et Monaco
qui n’aient pas occupé les Ardennes
 
Noble Belgique, merdeau chéri-i-i-i-i
Je te laisse tes campings bucoliques
Ta petite gayole et l’canari
 
Dans la patrie du 11 novembre
On ne vous aime vraiment que mort
Ce qu’on aime dans le feu, c’est la cendre
Ce qu’on chante dans l’amour, c’est le remords
Chanson, vous avez dit chanson
On va me servir Brel ou ses filles
Avec une paille et deux glaçons
Comme on sert la bière aux Antilles
Au lieu de vous congratuler
Parce qu’il est né dans votre banquise
Vous feriez mieux de vous demander
Pourquoi il est mort aux Marquises
 
Noble Belgique, merdeau chéri-i-i-i-i
Je te laisse les plumes d’autruches des filles
Plantées dans le cul de tes terrils
 
Claude Semal : Noble B.

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