Si Nietzsche découvre la répétition dans la Physis,
c’est parce qu’il découvre en elle quelque chose de supérieur au règne des
lois : une volonté se voulant elle-même à travers tous les changements,
une puissance contre la loi, un intérieur de la terre qui s’oppose aux lois de
la surface. Nietzsche oppose son hypothèse à l’hypothèse cyclique. Il conçoit
la répétition dans l’éternel retour comme Être mais il oppose cet être à toute
forme légale, à l’être semblable autant qu’à l’ordre légal. Et comment le
penseur qui poussa le plus loin la critique de la notion de loi pourrait-il
réintroduire l’éternel retour comme loi de la nature ? Comment lui, le
connaisseur des Grecs, serait-il fondé à estimer sa propre pensée prodigieuse
et nouvelle, s’il se contentait de formuler cette platitude naturelle, cette
généralité de la nature bien connue des Anciens ? À deux reprises,
Zarathoustra corrige les mauvaises interprétations de l’éternel retour :
avec colère, contre son démon — « Esprit de lourdeur, ne simplifie pas
trop de choses ! » — ; avec douceur, contre ses animaux : « Ô
espiègles, ô ressasseurs… vous en avez déjà fait une rengaine. »
Gilles Deleuze : Différence et répétition
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