On connaît deux manières de renverser la loi morale.
Tantôt par une remontée dans les principes : on conteste l’ordre de la loi
comme secondaire, dérivé, emprunté, général ; on dénonce dans la loi un
principe de seconde main, qui détourne une force ou usurpe une puissance
originelle. Tantôt, au contraire, la loi est d’autant mieux renversée qu’on descend
vers les conséquences, qu’on s’y soumet avec une minutie trop parfaite ;
c’est à force d’épouser la loi qu’une âme faussement soumise arrive à la
tourner, et à goûter aux plaisirs qu’elle était censée défendre. On le voit
bien dans toutes les démonstrations par l’absurde, dans les grèves du zèle,
mais aussi dans certains comportements masochistes de dérision par soumission.
La première manière de renverser la loi est ironique, et l’ironie y apparaît
comme un art des principes, de la remontée vers les principes, et du
renversement des principes. La seconde est l’humour, qui est un art des
conséquences et des descentes, des suspens et des chutes.
Gilles Deleuze : Différence et répétition
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