Source : L’Antéchrist à l’âge classique, summulae, exégèse et politique par Jean-Robert Armogathe, éditions Mille et Une Nuits, collection Les Quarante piliers, dirigée par Pierre Legendre, relecture dix ans après.
Le moine Adson résume l’entourage du jeune
Antéchrist : « Des mages, des sorciers, des devins et des enchanteurs
se chargeront, sous l’Inspiration du diable, de son éducation, lui enseignant
toute iniquité, tout mensonge et tout art néfaste, les esprits malins seront
ses guides et ses compagnons de chaque instant. »
Malvenda développe les différentes catégories
d’éducateurs, et il y joint, avec son confère Job Viguier (Vigerius), les
démons qui prennent pour l’instruire une forme angélique, comme Raphaël auprès
de Tobie. C’est d’eux qu’il va tenir une science admirable. Il est au départ
très doué, et les superlatifs pleuvent pour décrire ses capacités :
« Il sera le plus perspicace, le plus astucieux, le plus rusé, le plus
sagace, le plus rapide, le plus ingénieux, le plus sage et le plus
intelligent. »
Il comprend vite et assimile goulûment toutes les
sciences et acquiert une encyclopédie du savoir qui le rend supérieur à tous
les docteurs, qui sont stupéfiés de ses prodigieuses connaissances, comme Jésus
avait surpris les docteurs du Temple. Le tableau de l’éducation de l’Antéchrist
prend, sous la plume diserte de Malvenda, la dimension de l’Encyclopédie
humaniste, à rapprocher des conseils donnés par Gargantua à son fils
Pantagruel ; on comprend que le prodigieux Francisco Fernandez de Cordoue
ait pu, nous l’avons vu plus haut, passer pour l’Antéchrist.
Aucun domaine du savoir, profane ou sacré, ne reste
étranger au jeune Antéchrist et le théologien énumère avec une certaine
satisfaction toutes les sciences de son temps. Mais, parmi les disciplines, il
en est une que l’Antéchrist préfère : c’est l’exégèse. Il excelle dans les
Saintes Écritures, dans la connaissance du Talmud, et sa science bilingue est
doublée d’une immense connaissance théologique : il est expert dans la
religion chrétienne comme dans toutes les hérésies. Doué d’une prodigieuse
mémoire, il connaît par cœur les Écritures et retient toutes les sciences.
Rappelons que pour Luther, l’identification avec la papauté avait trouvé un point d’ancrage dans cette maîtrise des Écritures : l’Antéchrist romain s’arroge le droit, pour lui seul, d’interpréter les Écritures. L’enseignement humaniste se teinte aussi d’une couleur plus inquiétante, car notre sujet éprouvera un intérêt particulier pour les arts de magie noire et les enchantements in magicis et feralibus artibus : « L’Antéchrist mettra un zèle et montrera un intérêt particulier à apprendre et retenir à fond toutes les sciences magiques, curieuses, néfastes et réprouvées, et toutes les sortes d’enchantements et poisons, et de divinations, où il dépassera en savoir et connaissances tous ceux qui l’ont précédé. »
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