Source : L’Antéchrist à l’âge classique, summulae, exégèse et politique par Jean-Robert Armogathe, éditions Mille et Une Nuits, collection Les Quarante piliers, dirigée par Pierre Legendre, relecture dix ans après.
Les lectures modernes de l’Apocalypse nous situent à la
racine d’une vision nouvelle de l’histoire et de la politique, tout à la fois
aux origines de l’État moderne et d’une vision rationnelle de la scienza
nuova. Dans le contexte de la controverse religieuse, on assiste, au début
du dix-septième siècle, à l’extinction des sens multiples de l’Écriture connus
au Moyen Âge.
Les interprétations critiques vont se vouloir
littérales et vont chasser le sens symbolique et le sens axiologique.
L’affirmation de l’autorité de l’Écriture va conduire à en attendre un sens
littéral, unique, exigence que jamais l’Église n’avait posée. Un commentateur dominicain,
Jérôme Vielme (Vielmio), auteur d’un De sex diebus conditi orbis,
rappelle que le commentaire de la Genèse donné par son illustre confrère le
cardinal Cajetan est beaucoup plus littéral que le commentaire ad litteram de
Saint Augustin. Les nécessités de la controverse entre catholiques et
protestants imposent un littéralisme de l’interprétation totalement inédit dans
la tradition.
Il s’agit là d’un double retournement, dans les
sciences comme dans la connaissance des Écritures : le texte doit coïncider
avec son interprétation tandis que, en même temps, l’interprétation doit se
conformer au dogme et aux traditions. Double mouvement, comme en ciseaux :
littéralisme de l’interprétation et conformité orthodoxe, orthonomique, des
textes au besoin des preuves scripturaires que le dogme réclame. On a tout à la
fois exigé des Écritures qu’elles fondent les dogmes et attendu une lecture
littérale de ces mêmes textes. Le débat, autour de l’Apocalypse, est alors
particulièrement tendu : comment tenir tout à la fois une interprétation
et une lecture dogmatique dans un texte dont nous savons maintenant (mais on
commençait déjà à s’en douter) à quel genre littéraire très particulier il
appartient ?
L’interprétation historique reste lacunaire, l’interprétation mystique devient dangereuse.
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