Source : Enquête sur l’Apocalypse, l’auteur, la
date, le sens par Claude Tresmontant, éditions François-Xavier de Guibert,
relecture en cours.
Peu nous importe que l’auteur ou les auteurs de Daniel
se soit, ou se soient embrouillés dans les chronologies et les successions des
empires babyloniens, mèdes, etc. Ce qui compte, c’est la pointe de l’histoire,
ce que l’auteur veut dire : les empires naissent, se développent,
envahissent la terre habitée, dominent, et puis s’effondrent les uns après les
autres.
Les naturalistes, les zoologistes, et les
paléontologistes nous ont appris que dans l’histoire naturelle des espèces, on
assiste à un phénomène de relais : les grands groupes zoologiques
apparaissent, naissent, se développent, deviennent envahissants, dominants,
puis disparaissent, sans qu’on sache exactement pour quelle raison, et laissent
place au groupe zoologique suivant. C’est la loi de relais, bien connue des
naturalistes.
L’auteur du livre de Daniel nous dit que les empires
naissent, apparaissent, se développent, deviennent envahissants, dominants,
puis disparaissent et sont remplacés par d’autres empires. Au deuxième siècle
avant notre ère, avant 164 avant notre ère, un inconnu tente d’expliquer à ses
contemporains judéens que les empires de ce monde de la durée présente ne sont
pas ce qu’ils prétendent être, l’absolu de la solidité.
Au contraire, ils sont essentiellement fragiles et
périssables. Plus tard, par rapport à l’auteur du livre prophétique de Daniel,
Dieu fera germer un règne, un royaume, une royauté (araméen, malkoutah, grec
basileia) qui, lui, ne passera pas, ne périra pas. C’est le Dieu des cieux
(araméen elah schmaiia) qui va susciter ce règne, ce royaume, cette royauté.
C’est pourquoi on l’appellera le règne ou le royaume des cieux, c’est-à-dire de
Dieu (araméen, malkoutha di schemaiia, grec basileia tôn ouranôn.)
Le livre de Daniel est donc bien une authentique
prophétie. Mais sa prophétie ne part pas de Nabuchodonosor, au sixième siècle
avant notre ère. L’auteur de Daniel connaissait, plus ou moins
approximativement, la succession des empires après Nabuchodonosor. La prophétie
authentique part de l’endroit, du moment où est placé l’auteur de Daniel :
avant la mort d’Antiochus IV Épiphane, juin 164 avant notre ère. Il enseigne à
ses frères judéens quelque chose de capital : les empires de ce monde de
la durée présente sont fragiles, périssables. Vient l’empire de Dieu créateur
qui, lui, ne passera pas. C’est la nouvelle création, la Création
définitive.
On ne cherche pas dans les fables de La Fontaine, des
renseignements concernant l’anatomie, la physiologie du renard, du corbeau, du
loup, de l’agneau. On s’efforce de comprendre ce que Jean de La Fontaine a
voulu nous dire avec ses fables. De même que dans les histoires racontées par
l’auteur ou les auteurs inconnus du rouleau de Daniel, il ne faut pas chercher
l’histoire exacte du passé, par rapport à cet auteur ou à ces auteurs, mais
tenter de comprendre ce qu’il veut dire, ou ce qu’ils veulent dire concernant
l’avenir. Même observation pour le conte de Jonas.
Depuis vingt siècles, nous avons vu beaucoup d’empires
naître, se développer, dominer, écraser, se répandre, puis disparaître.
Récemment, nous avons vu un empire qui soi-disant devait durer mille ans,
s’effondrer au bout de dix ans. Depuis bientôt vingt siècles, nous constatons
que la nouvelle Humanité en régime de formation ou de transformation, sous
l’influence d’un message, d’un enseignement créateur communiqué autour de
l’année 30 de notre ère, cette Humanité nouvelle en gestation croît et se
développe comme un grand arbre qu’elle est, à partir de la semence originelle,
malgré les empires qui la persécutent ou l’écrasent.
Telle est la leçon du livre de Daniel. C’est une philosophie de l’Histoire. C’est même une philosophie politique. La prophétie contenue dans ce livre est vérifiée, puisque nous constatons qu’en effet, la création de l’Homme nouveau se continue et se développe malgré les massacres et les persécutions.
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