« The devil made me do it and I'll do it again »

 

Source : Leçons sur la Phénoménologie de l’esprit de Hegel par Jean-François Marquet, éditions Ellipses, collection L’Université philosophique, les cours de philosophie, dirigée par Jean-Pierre Zarrader.

Pourquoi est-ce que j’ai fait ça ? Pourquoi est-ce que j’ai fait cela comme ça ? Ce sera, au fond, l’expérience qui paralysera si longtemps Valéry, ce sentiment qu’une œuvre, ce n’est jamais que le produit du hasard ; on a fait cela comme çà, mais on aurait pu le faire tout aussi autrement, donc, cela n’a aucune valeur, donc, je n’entreprends rien. Il y a donc une sorte de déception après l’œuvre qui est essentiellement une déception concernant la particularité de l’œuvre une fois réalisée.

« La marquise sortit à cinq heures », tel est le début de roman qui effrayait tant Valéry. Pourquoi la marquise ? Pourquoi à cinq heures ? Il y a des tas de choses qui se présentent à l’auteur, et il en prend une. Pourquoi ? Pour rien… C’est de la contingence pure, du hasard pur. D’où le découragement devant l’œuvre.

Seulement, et c’est un point que Valéry soulignera, si l’œuvre est toujours marquée par le sceau de la contingence, l’œuvrer, le fait même d’opérer est, lui, quelque chose qui apparaît comme nécessaire, comme répondant à une nécessité qui est celle de ma propre autoconstitution : c’est par l’œuvrer, et seulement par lui, que je deviens pour moi ce que je suis sur le mode de l’en-soi.

Donc, si opérer est nécessaire et si toute œuvre est contingente, l’idéal serait une œuvre sur rien. Ce sera le projet, après Hegel, d’un Flaubert, d’un Mallarmé, d’un Kafka : une œuvre qui n’aurait pas de contenu particulier et qui éliminerait ce hasard qui ne peut que dépiter une conscience universelle. C’est dans cette perspective qu’apparaît l’idée selon laquelle il n’y a de nécessité que pour l’œuvre en général, ce que Hegel, appelle, « la Chose même », traduction du terme allemand, « die Sache », du mot latin res, que l’on trouve dans république.

Il s’agit d’opposer à la particularité de toute œuvre concrète l’universalité de la Chose même, l’idéalité universelle d’une œuvre en devenir, d’une œuvre infinie, qu’aucun créateur ne peut accomplir mais à la production de laquelle tous peuvent collaborer.

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