Ill. : Bizarre Uproar. Source : Leçons sur la Phénoménologie de l’esprit de Hegel par Jean-François Marquet, éditions Ellipses, collection L’Université philosophique, les cours de philosophie, dirigée par Jean-Pierre Zarrader.
On peut imaginer un révolté qui refuserait d’avoir un
programme, de prendre le pouvoir, et qui se bornerait à une sorte de
contestation parasitaire et minoritaire, ne cherchant pas à faire exploser la
société, mais à la déstabiliser sur certains points ponctuels, le genre de
« révolution minuscule » que Michel Foucault évoquera bien plus tard.
Là aussi, cependant, le révolté, dans la mesure où il
veut faire prévaloir la loi de son cœur sur certains points spécifiques, va se
trouver de nouveau déçu, même si cette déception va apparaître plutôt comique,
comparée à la déception tragique que nous évoquions il y a un instant, celle du
révolutionnaire véritable…
Si le révolté croit qu’en réalisant la loi de son
désir, de son cœur, de sa particularité, il croit faire le bonheur des autres,
les autres particuliers vont inévitablement réagir. Si on considère en effet
les citoyens particuliers qui composent une société donnée, aucun d’entre eux
n’est vraiment content de la Loi ; ils sont tous d’accord sur le fait que
la Loi est oppressive, que les impôts sont excessifs, que le gouvernement est
abusif, etc. Mais chacun, malgré tout, préfère obéir à la Loi, avec un grand
L., même si elle est oppressive et désagréable, plutôt que d’être soumis à la
loi d’un autre particulier, à l’affirmation d’un cœur individuel qui serait
autre que le sien.
Autrement dit, même si le brigand entend faire le
bonheur de ses concitoyens, ceux-ci préfèrent être relativement malheureux sous
une Loi qui, au moins, s’applique à tout le monde, une Loi anonyme, plutôt que
de risquer une déstabilisation générale, en se soumettant à la loi d’un autre individu
qui, estiment-ils en eux-mêmes, ne vaut pas plus qu’eux. Il va donc y avoir, de
la part de la population, une attitude ambiguë face au hors-la-loi : au
début, c’est quelqu’un qui amuse, qui excite : le public s’attache à des
personnages mythiques comme Robin des Bois et s’amuse à le voir braver la Loi.
Mais on ne tarde pas à le trouver agaçant, à en avoir peur et cette peur va
faire de lui un objet de lynchage.
Le contestataire finit toujours mal et il finit généralement massacré…
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