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La Science hégélienne, qui remémore et intègre l’histoire du discours philosophique et théologique, pourrait être résumée comme suit :

De Thalès à nos jours, en parvenant à l’extrême limite de la pensée, les philosophes ont discuté de la question de savoir si cette pensée doit s’arrêter à Trois ou à Deux, ou atteindre l’Un, ou tout au moins, tendre vers l’Un, en évoluant, en fait, dans la Dyade.

La réponse, qui est donnée par Hegel, se réduit à ceci : L’homme atteindra certainement l’Un un jour, le jour où il cessera d’exister, c’est-à-dire le jour où l’Être ne sera plus révélé par la Parole, où Dieu, privé du Logos, redeviendra la sphère opaque et muette du paganisme radical de Parménide. Mais tant que l’homme vivra en tant qu’être parlant de l’Être, il ne pourra jamais dépasser la Trinité irréductible qu’il est lui-même et qui est Esprit.

Quant au Deux, c’est l’Esprit malin de la perpétuelle tentation du renoncement discursif au Savoir, c’est-à-dire au discours qui se referme par nécessité sur lui-même pour se maintenir dans la vérité. Que peut-on y répondre ? Que l’Hégélianisme et le Christianisme sont, à leur base, les deux formes irréductibles de la foi, dont l’une est la foi paulienne en la résurrection, et l’autre, la foi terre-à-terre qu’on appelle le bon sens ?

Que l’hégélianisme est une hérésie « gnostique », qui trinitaire, attribue indûment le primat au Saint-Esprit ? Quoiqu’il en soit, les pages qui sont suivre se situent au-delà du discours circulaire hégélien. Reste à savoir si elles contiennent un discours, qui aurait en ce cas la valeur d’une réfutation, ou si l’on y trouve une forme verbale du Silence contemplatif. Or, s’il n’y a qu’une seule façon de dire la Vérité, il y a des façons innombrables de la taire, et de se taire.

Alexandre Kojève : Préface à l’œuvre de Georges Bataille, in. L’Arc, numéro 44 (1971)

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