Acéphale

 

Source : Leçons sur la Phénoménologie de l’esprit de Hegel par Jean-François Marquet, éditions Ellipses, collection L’Université philosophique, les cours de philosophie, dirigée par Jean-Pierre Zarrader.

Tout ce qui est rationnel est réel et tout ce qui est réel est rationnel, c’est-à-dire partout où l’homme produit, que ce soit l’État, la religion ou la philosophie, il y a une union du Sens et du réel, il y a présence de la rose et de la croix, présence de la rose de la raison dans la croix de la souffrance humaine.

Il faut distinguer le point de vue hégélien : d’une part, du point de vue de la philosophie classique, qui voit la rose sans la croix, où le monde a un sens où se résorbe toute souffrance ; d’autre part, des philosophies ultérieures, Schopenhauer, Nietzsche, qui, elles, ne garderont que la croix sans la rose et qui ne verront que la souffrance humaine sans voir la signification qui s’annonce à travers ce réel.

Hegel pense les deux et le formule dans un article tout à fait étrange, Wer denkt abstrakt ?, contemporain de la Phénoménologie de l’Esprit, qui traduit le sentiment qu’une vieille femme éprouve devant la tête coupée d’un criminel éclairée par le soleil : « Que c’est beau, la grâce du soleil de Dieu illumine la tête de Binder. Cette femme voyait bien, elle, que la tête du condamné était illumine par le soleil et que donc, il avait encore sa dignité. Elle l’élevait de la punition et de la honte de l’échafaud dans la grâce du soleil. »

Ce texte est évidemment assez étrange, où l’on voit le soleil illuminant la tête coupée du criminel figurer la rose de la raison sur la croix de la souffrance humaine. C’est assez intéressant dans la mesure où cela évoque Mallarmé qui est sans doute le seul poète français qui ait tâché de traduire en poésie le projet de Hegel : dans Hérodiade, on trouve l’idée symbolisée par Hérodiade, « triste fleur qui croît seule », laquelle va être symboliquement déflorée par la tête coupée de Saint Jean.

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