Source : Les Mots et les sons, un archipel sonore, par François J. Bonnet, préface de Peter Szendy, éditions de l’Éclat, collection poche.
Selon James Sey, dans un article où il développe le
concept d’imaginary wavelength, littéralement « l’imaginaire de la
longueur d’ondes », Tesla voulait unifier l’ensemble de ses
expérimentations sur les ondes en se servant de l’énergie électromagnétique
terrestre comme une porteuse énergétique globale et ainsi prouver que la Terre
elle-même était une sorte de gigantesque satellite-parabole, un émetteur-récepteur
cosmique.
Si le concept de Sey est assez flou, il témoigne d’une
intuition intéressante, en cherchant à montrer que les dispositifs techniques
et scientifiques, au-delà de constituer le son en objet de connaissance, le
déploient et lui ouvrent de nouvelles aires d’apparition, inouïes, initiant
parfois de nouveaux supports de croyances, renouant avec d’anciennes
traditions, avec les sons magiques, le son redevenant mythiquement lié à son
médium.
Comme autrefois, le son-souffle l’était avec l’air, le
son radiodiffusé devient intrinsèquement lié au champ électromagnétique. Le
son, à nouveau, reconquiert l’espace éthéré. Les avancées techniques et
scientifiques apparaissent alors, non pas comme instruments d’abolition des
mythes, mais bien au contraire comme des leviers de redéploiement, les
propulsant vers de nouveaux territoires.
L’éther électromagnétique, là où se croisent les
porteuses radio, là où les sons du monde entier circulent, ceux des vivants,
mais également, à en croire les théories liées aux electric voice phenomena,
ceux des morts, cet éther donc, est précisément l’un de ces
territoires. Pôle de croyance, monde de l’ubiquité sonore, il deviendra
également le théâtre d’opérations des bataille des ondes, théâtre dont le
contrôle aura des effets historiques déterminants. Avant tout, comme le
souligne l’un des pionniers du radio art, Gregory Whitehead, « l’espace de
la radio est une série de relations culturelles, sociales et politiques.
Cela peut sembler hérétique, mais la radio n’a pas pour objet le son, la radio survient par le son à un niveau perceptif, mais les tripes mêmes de la radio ne se trouvent pas dans le son, mais bien plutôt dans l’écart entre émettre, et recevoir, transmettre et écouter. »
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