Non serviam

 

Source : Baruch de Spinoza, quatre conférences, par Ernst Bloch, traduit de l’allemand, annoté et préfacé par Arno Münster, éditions Delga.

Spinoza était totalement incorruptible, non influençable, et tout semblait aller de soi, simplement, sans le moindre pathos juvénile. Il a très peu publié de son vivant. Son œuvre majeure, L’Éthique, n’a été publiée qu’après sa mort, en 1677, et il avait exprimé le vœu que l’ouvrage ne soit pas publié sous son nom, mais sous les initiales B.D.S., car il s’agissait d’une philosophie sans surnom ; donc, d’une objectivité sublime qui n’est même pas dépassé par Socrate.

Une chaire de philosophie à l’Université de Heidelberg lui avait été offerte par le prince-électeur du palatinat Karl Ludwig, un partisan des pré-Lumières. La lettre de sollicitation, écrite par le professeur et conseiller du prince électeur Johann Ludwig Fabricus, a été conservée et archivée, ainsi que la réponse de Spinoza. Il a mis beaucoup de temps à répondre. Dans cette lettre de Fabricius, on peut lire que Son Altesse le prince-électeur espère que « Spinoza n’abusera pas de son grand génie à des fins de perturbations de la religion officiellement reconnue. »

Ce n’était pas mal intentionné. Heidelberg était un lieu de tolérance, ou les confessions luthériennes, réformées, papistes, catholiques et une multitude de sectes cohabitaient, dans un esprit de concorde. Mais cela suffit pour que Spinoza, mais c’était peut-être seulement un prétexte, parce qu’il ne voulait pas renoncer à sa tranquillité, refusât ce poste, cette chaire, avec des remerciements.

Il se contenta de continuer à polir davantage ses lentilles, il préféra continuer de gagner sa vie de solitaire et d’inconnu, au lieu de partir vers le grand monde et d’y occuper un poste de prestige, de plus très bien rémunéré.

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