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Source : Mythe aryen et rêve impérial dans la Russie du dix-neuvième siècle par Marlène Laruelle, préface de Pierre-André Taguieff, CNRS éditions, collection États, sociétés, nation, mondes russes.

Face à l’Allemagne, deux conjonctions manquaient à la France : les théoriciens de la race n’ont eu qu’une influence minime sur le champ politique et sont restés confinés dans les milieux scientifiques. Ils ont même parfois été rejetés de ces derniers et considérés comme des originaux par leurs contemporains : Gobineau, Lapouge. Le nationalisme français de la fin du dix-neuvième siècle n’a ensuite pas cherché à conjuguer en une idéologie synthétique l’idée de race, l’antisémitisme, l’eugénisme et les vieux mythes nationaux, les laissant se développer en parallèle sans fusionner.

Si la mythologie généalogique est présente en France, elle n’est pas instrumentalisée par le racialisme et devient au contraire un des éléments clefs de la politique républicaine : la référence celto-gauloise en vogue sous la troisième République ne conduit pas à une affirmation raciale, mais au contraire, à la glorification d’un sol français hospitaliser. Le seul ennemi extérieur, germanique, suffit à focaliser les attentions et à développer la rhétorique de l’unité nationale. Le nationalisme français est fier de sa latinité, une latinité qui signe l’intériorisation du modèle romain et l’affirmation d’une conscience occidentale et universaliste qui rejette tout autochtonisme.

Le mythe aryen allemand donne au contraire l’impression d’avoir poussé à ses extrêmes des orientations originelles qui n’étaient qu’à peine ébauchées dans le mythe romantique et que la France, par exemple, n’a pas ou peu développées. Ainsi, face au contre-exemple français, le mythe aryen allemand affiche son autochtonisme, son oubli de l’origine indo-persane des Aryens au profit d’une Scandinavie, et d’une Allemagne du Nord mythifiée par les légendes germaniques anciennes, sa crispation néo-païenne sur l’héritage juif du catholicisme, son antisémitisme darwinien populaire et sa passion pour les questions biologiques et eugéniques que sous-tend l’idée de race.

Si les cas français et allemands ne peuvent être assimilés l’un à l’autre au vu de leurs dissemblances conséquentes, ils se retrouvent proches l’un de l’autre en comparaison avec le cas russe, dont les différences sont encore plus prononcées.

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