L’écoute espionne
est une écoute qui se focalise sur des indices. Ce n’est pas une écoute qui
embrasse un lieu, un espace pour en jouir. Ce n’est pas une écoute déployée,
c’est une écoute qui se projette, depuis un lieu, vers un point. C’est une
écoute qui ne se forme qu’au travers de deux termes : le point, la cible
qu’elle vise, et la trajectoire. Elle se forge à travers une focalisation
perceptive, véritable tunnel où fil tendu entre l’oreille de l’espion et
l’objet de son écoute.
L’écoute espionne,
alors, est un révélateur. Elle incarne cette tension, cette concentration vers
un seul et unique objet, et elle expose cette volonté perceptive à extraire
quelque chose de tangible, d’avéré de cet objet. Or, une telle volonté
perceptive porte le désir d’asseoir une observation, de l’affirmer. Mais en l’affirmant,
elle affirme l’écoute elle-même en tant que phénomène d’autorité. L’écoute
espionne cherche à conjurer la malédiction de l’écoute, condamnée à ne capter
que des objets fugaces et éphémères. L’espion, lui, ne se concentre que sur
l’information qu’il pourra extraire de ses objets fugaces et n’a d’autres buts
que de recéler cette information.
Mais l’espion, à
son tour, peut être révélé par l’écoute, comme par exemple dans certains
temples et palais japonais où sont aménagés des uguisubari, planchers
« rossignols » dont les clous fixant les lames du parquet étaient
montés de telle manière qu’ils grinçaient à la moindre pression, rendant toute
allée et venue repérable, même la plus furtive.
François J. Bonnet : Les Mots et les sons
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