Zim Zum

 

Adam, représentant l’homme total, complet et parfait, dans toute l’intégrité de son essence, était évidemment un être androgyne. Ceci est clair, non seulement en vertu de l’analyse du récit biblique, mais encore en soi. D’une part, en effet, il est dit que Dieu forma Ève du corps et de la chair d’Adam : donc, dans le corps et la chair d’Adam, il y avait déjà tout ce qui plus tard forma le corps et l’âme de sa compagne terrestre ; s’il en était autrement, il eût fallu évidemment procéder à une création nouvelle, ce qui n’est pas le cas. D’autre part, étant donné que le premier homme a été formé parfait et seul, il est certain qu’il contenait en lui les deux principes, mâle et femelle, les deux tincturae dont la réunion est nécessaire pour la création de la vie. Il est tout à fait évident que l’état actuel de l’humanité, c’est-à-dire la séparation des sexes, n’est pas essentiel à l’homme en tant que tel. N’est-il point certain que les élus du Paradis, de même qu’Adam, ne sont ni mâles ni femelles. Ce qui ne veut pas dire qu’ils soient asexués comme le seraient des esprits purs. La sexualité est, en effet, un élément caractéristique et essentiel de la vie organique : ils sont donc androgynes, synthèses en un seul organisme des deux principes vitaux, ce qui, à proprement parler, est une condition nécessaire de la vie bienheureuse ainsi que de la victoire éternelle sur la mort.

Alexandre Koyré : La Philosophie de Jacob Boehme


Commentaires