Source : La Philosophie de Jacob Boehme par Alexandre Koyré, Librairie Philosophique Vrin, collection Histoire de la Philosophie.
On a le plus souvent, fait valoir la valeur mystique du
nombre sept. Avec beaucoup de raison, croyons-nous, car Boehme invoque
effectivement les sept luminaires et les sept anges de l’Apocalypse.
D’ailleurs, on sait combien fut grand le rôle du mysticisme des nombres à son
époque.
On a aussi cherché à mettre en rapport la doctrine des
sept sources esprits divines avec les conceptions de la kabbale. On a même
tenté d’y voir une influence de cette dernière, ou tout au moins une
concordance avec celle-ci. Les sept sources esprits ne seraient pas autre chose
que les sept sephiroth inférieures de la kabbale ; en effet, lorsqu’à leur
nombre, on ajoute le nombre trois, celui des trois séphiroth supérieures,
auxquelles correspondraient chez Boehme les trois personnes de la Trinité, on
obtient dix, qui est le nombre des sephiroth.
Telle a été, entre autres, l’opinion de F. Oetinger,
qui s’est efforcé d’établir l’équivalence du rapport entre les sources-esprits
de Boehme et la divinité, conçue comme Absolu et avec Dieu conçu comme Trinité
ou Unité. Il n’est nullement impossible, il est même très probable que Boehme
ait eu quelque notion de la doctrine kabbalistique. Il avait des amis qui y
étaient versés. Nous ne croyons pas toutefois qu’une influence pareille ait pu
se produire déjà à l’époque d’Aurora. Il est fort possible aussi que la
mystique spéculative de Jacob Boehme ait des ressemblances avec celle du Zohar.
Le fait qu’un certain nombre de kabbalistes l’affirment n’est pas sans
importance.
Personnellement, nous ne croyons pas trop à cette
ressemblance, car sans entrer dans l’étude comparative des deux doctrines qui,
malgré certaines analogies, ont une inspiration toute différente, il semble
suffisant de comparer une à une les sephiroth, même inférieures, aux sept
esprits divins de Jacob Boehme, pour reconnaître l’impossibilité d’expliquer la
liste des sources-esprits de Boehme par une reprise des conceptions du Zohar.
Adolf von Harless a cherché la source de la conception
de Boehme dans le rythme septénaire si populaire dans l’alchimie. Les sept
opérations successives : calcination, sublimation, coagulation, etc. lui
semblaient le modèle d’après lequel Boehme aurait formé sa notion des sept
sources-esprits. Harless n’a pas tout à fait tort : il est certain que la
doctrine alchimique joue en général un grand rôle dans la pensée de Boehme.
Mais quant aux sources-esprits, leur nombre est
déterminé pour Jacob Boehme par une raison plus simple. Ce sont tout simplement
les sept planètes, les astres mobiles et, par là même, les plus importants de
l’astrologie ; ce sont également, ce qui ne saurait nous surprendre, les
sept métaux classiques de l’alchimie qui correspondent, comme on le sait, aux
sept astres. Boehme, d’ailleurs, ne le cache nullement.
Non seulement dans le De Signatura Rerum et les écrits des années 1620-1624, il emploie souvent la notation astrologique alchimique et fait correspondre les forces divines, les forces de la nature éternelle, aux puissances planétaires et métalliques, mais, dans l’Aurora elle-même, un texte qui semble avoir échappé jusqu’ici aux historiens ne laisse aucun doute à cet égard.
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