Source : Judas, traître ou initié ? par Émile Gillabert, édition Dervy, collection Poche
Avant le repas, Jésus vient de déclarer : Qui
reçoit celui que j’envoie me reçoit (Jn 13-20) Il annonce ensuite : L’un
de vous me fera connaître (Mt 26-21 et parallèles) Alors, chacun se demande
si c’est lui. Qui ne voit que l’interrogation serait saugrenue en cas de
trahison ! Il y a une opposition tranchée entre cet épisode et l’annonce
du reniement de Pierre. Lorsque Jésus annonce à Pierre que c’est lui qui le
trahira : Voici que Satan vous a réclamés (Lc 22-31) Pierre se
récrie et proteste : Non, je ne te renierai pas.
Par contre, lorsque Jésus annonce qu’il va charger (il
s’agit d’un ordre de mission) un des apôtres de le livrer, de le transmettre,
les disciples se demandent : Serait-ce moi, Seigneur ? Il
s’agit donc bien d’un honneur, d’une mission spéciale et délicate. Et lorsque
Jésus désigne Judas, ce dernier n’a pas un seul mot de protestation. Il obéit
immédiatement à son Maître, à son alter ego, à son jumeau. Ainsi, un seul est
désigné non pas en vue de trahir, mais pour transmettre le message.
À ce moment-là, Jésus, dans les synoptiques, indique
l’homme de la situation : Celui qui plonge avec moi la main dans le
plat (Mt 26-22 et parallèles) Par ce geste, Jésus situe Judas sur le même
plan que lui, alors que, dans Jean, il l’honore en présence des autres
disciples, en lui donnant les prémices du repas. L’invité de marque est bien
sûr toujours servi en premier. Ces gestes nous rappellent le logion de
l’Évangile selon Thomas où Jésus invite Didyme Judas Thomas à ne pas l’appeler
Maître, parce qu’il a bu comme lui à la source bouillonnante.
Le quatrième évangile, toujours avec le souci
d’abaisser Judas, ajoute que Satan entra en lui après la bouchée, mais le
conseil de Jésus qui fait suite indique que le Maître a chargé son ami d’une
mission de confiance, rendue urgente à cause des circonstances : Ce que
tu as à faire, fais-le vite (Jn 13-27) Le rédacteur ajoute : Mais
cela aucun de ceux qui étaient à table ne comprit pourquoi il le disait. Ce
qui signifie en clair que Jésus et Judas sont seuls à partager un secret que la
suite des événements va peut-être faire connaître.
Que Judas soit l’homme de confiance de Jésus, un autre
trait va encore nous le confirmer. Judas tient la caisse de la communauté. Et,
dans leur perplexité, certains pensaient que Jésus l’avait chargé d’un achat
pour la fête ou de quelque dont à faire aux pauvres (Jn 13, 28-29) Toujours
est-il que, pendant la bouchée, celui-là sortit. Or, c’était la nuit. (Jn
13-20)
Judas partit donc avec le viatique qu’il a été le premier à recevoir des mains de Jésus. Si la communion a un sens, c’est bien en une telle circonstance et si cette communion est la commémoration de la Pâque juive, c’est d’abord Jésus qui l’a accomplie en consommant la bouchée comme ses ancêtres, la nuit où ils quittèrent l’Égypte après avoir mangé debout le pain sans levain.
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