Frère Judas

 

L’Évangile de Barnabé, tardif par rapport à l’ensemble des évangiles apocryphes, continue à voir en Judas le traître. Apparemment, il ne nous est pas d’un grand secours dans notre entreprise de réhabilitation. Néanmoins, tout en cédant au merveilleux et au miraculeux, il nous fournit une indication intéressante en insistant sur la ressemblance physique entre Jésus et Judas. Celle-ci est si saisissante que la substitution n’appelle aucun soupçon. Sur le plan de l’apparence, Judas est réellement l’alter ego de Jésus. La tradition a donc véhiculé en la déformant la gémellité de Jésus et de Thomas, laquelle tient non à des signes extérieurs, mais à une même compréhension de l’ultime réalité. Ce qui était intérieur a été extériorisé pour l’élaboration du mythe de la substitution. Remontant à l’origine de l’entropie, on retrouve la ressemblance de Judas avec celui qui lui dit : « Ne m’appelle plus maître… » Pourrait-elle être à ce point parfaite si la vie exprimée par la chair de l’un et l’autre n’était la sienne ? Un tel indice, ajouté aux autres, contribue à faire de Judas un signe de contradiction. Ses adversaires ont beau l’accabler, ils ne réussissent pas à l’identifier au rôle qu’ils veulent lui faire jouer.

Émile Gillabert

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