« À flanc d’abîme s’ouvre le château étoilé »

Là quelque chose se cherchait, quelque chose de beaucoup plus ténébreux que toutes les horreurs qui y étaient rapportées. C’étaient bien des livres noirs, mais noirs comme l’humour de tout langage consumé d’avance, noirs comme les rues du désir, noirs comme les pièges de la liberté. Et de cette obscurité déferlante avait surgi l’espace le plus paradoxal qu’on pût imaginer : telle une concrétion maudite de la nature et de l’artifice, menaçante et menacée, inexpugnable et lézardée, close et béante, la plus irréelle architecture gothique s’était peu à peu imposée comme la moins mensongère demeure de ceux qui avaient rêvé d’inventer la liberté. Car livre après livre, les décors s’étaient superposés, laissant voir de ce temps, entre les chatoiements des Lumières, l’implacable ossature d’ombre.

Annie Le Brun : Les Châteaux de la subversion

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